Noah, Melanie, Mannequin Pussy et la canicule

Tout de suite après son entrée en matière, vendredi soir, en clôture de la première journée du festival Osheaga, Noah Kahan a parlé de ses racines pas si loin de chez nous, de son lien avec notre ville et de l’événement qui l’accueillait.

«Je viens du Vermont. Je suis souvent venu à ce festival quand j’étais jeune. Je passais même du whisky sur le site... J’espère que la sécurité s’est améliorée. Mais sérieusement, c’est fou d'être ici en tête d’affiche pour ma première participation.»

Pas vraiment.

Le jeune homme de 27 ans s’était produit devant 15 000 au Centre Bell au mois d’avril. Il a simplement plus que triplé la mise. Mais au-delà des statistiques, nous avons eu l’impression durant tout le concert que l’on accueillait un artiste qui faisait partie de nos vies depuis des lustres.

Dès la chanson d’ouverture, Dial Drunk, des milliers de voix se sont joint à celle de l’Américain. Et ça n’a pas cessé par la suite. On entendait des réactions et des clameurs dès les premières notes d’une chanson ou à la suite d’une introduction de Kahan qui manie aussi bien l’humour que ses différentes guitares aux réconfortantes sonorités.

Il va de soit que l’adhésion à l’artiste tient beaucoup à la qualité des textes de ses chansons fortement autobiographiques qui parlent d’amour, de rupture, de santé mentale... Le public, peu importe son âge, peut s’identifier à ses paroles et chansons.

Ses mélodies accrocheuses sont finement enrobées par une instrumentation riche (guitares acoustiques et électriques, basse, banjo, mandoline, violon, piano, batterie) et des musiciens de talent.

On peut donc entendre des chansons étoffées de groupe comme New Perspective, She Calls Me Back et All My Love ou une interprétation guitare-voix totalement épurée telle Growing Sideways avec le même plaisir. L’attention ne se dément pas dans le public.

Signe des temps, ce n’est pas un chandail des Canadiens de Montréal qu’il a enfilé durant le concert, mais un de l’équipe professionnelle féminine de hockey de Montréal. Plusieurs membres de l'équipe assistaient au concert, d’ailleurs.

Cette prestation relevée était le couronnement parfait d’une journée où l’on a senti un magnifique lâcher prise des festivaliers qui allaient d’une scène à l’autre en rigolant, posément, très souvent en prenant le temps de relaxer. Le temps de vivre, quoi.

Une vraie de vraie journée d’été caniculaire où la musique venait souvent nous bercer avec juste ce qu’il fallait d’énergie pour nous secouer. Compte-rendu.

Billianne

La tâche ingrate d’être la première à se produire est revenue à Billianne et l’Ontarienne s’en est fort bien tiré. Avec son mélange de pop mélodique aux effluves folk, ça ressemblait à de la musique de vacances, ce qui était dans le ton pour aller avec le soleil de plomb et le mercure de 30 Celsius, déjà, à 14h.

Wishlist – dédiée à son ancienne compagnie de disques -, sa splendide reprise acoustique de Simply the Best qui nous a fait découvrir le classique de Tina Turner sous un autre jour et ses nouveautés, Crush et Enough ont bouclé une belle entrée en matière.

Wild Rivers

Wild Rivers a haussé le rythme et le ton avec Khalid Yassein et Devan Glover et sa chevelure colorée.

Des chansons aigres-douces comme Never Better et Bedrock ont rapidement fait mouche et le groupe a maintenu avec aisance l’équilibre entre émotion et plaisir pour conclure en force.

Vincent Lira

À mi-chemin de sa prestation, Vincent Lira a lancé à la foule que la chanson qu’il venait d’interpréter était la plus joyeuse que nous allions entendre. Pour un peu, j’imaginais Pierre Lapointe devant nous.

Celui qui devait se produire sur la scène Verte a eu droit à celle de la Montagne. Un échange, finalement, avec le groupe The Japanese House. Le guitariste et pianiste était accompagné sur plusieurs morceaux par une excellente violoncelliste qui colorait ses offrandes. Parfois, c’était un échange tripartite avec sa collègue à la batterie.

C’était absolument charmant, parfois fiévreux – comme durant The Fire -, mais en plein milieu d’après-midi durant une canicule, une petite salle intimiste aurait été plus indiquée.

Blonde Redhead

Le trio qui a commencé sa carrière dans les années 1990 est venu nous rappeler son bon souvenir avec la chanteuse, bassiste et claviériste Kazu Makino et les frères Amedo et Simone Pace – qui ont grandi à Montréal.

Avec leur dream pop, leurs ambiances éthérées ou planantes, limite shoegaze, on a vu une foule de spectateurs flotter dans leur tête sans jamais quitter le sol. Pas un seul mot prononcé durant leur prestation, même si Makino s’est démenée, ici et là, pour mettre de l’énergie.

La hargne de Mannequin Pussy

On a appris il y a quelques jours que le trio féminin de Sleater-Kinney ratait Osheaga pour des raisons de santé. Les organisateurs ont donc déplacé la bande Mannequin Pussy de la scène de la Vallée à la scène de la Montagne. Recette gagnante.

Avec la chanteuse Marisa «Missy» Dabice dans une forme superbe, le groupe de punk rock américain a mangé les bandes, comme on dit en langage de hockey.

Sensuelle et aguichante dans une robe couleur de feu, elle et son groupe ont offert un lot de guitares acérées et du son un peu brouillon : chansons vitaminées, hargne palpable, discours féministe de la chanteuse et dénonciation des politiciens qui provoquent des guerres. Très réussi.

De l'ombre et de l'eau

À 18 heures, les deux choses les plus recherchées sur le site étaient l’ombre et l’eau. Les deux queues de plus de 100 personnes aux points d’eau près de la grande terrasse VIP en faisaient foi.

Les légères modifications apportées au site en direction des scènes Verte et de la Vallée sont idéales quand tu as un claquage à une cuisse. Notamment la réduction de moitié du nombre de marches du pont pour y accéder...

Cela dit, ça ne se bousculait pas à outrance pour voir Tezzo Touchdown à la scène Verte, même si le monsieur y a mis de l’énergie. En revanche, c’était presque partie gagnée d’avance pour Romy Madley Croft, moitié du duo de The xx, qui a fait danser des milliers de personnes à la scène de l’Île. Plaisir contagieux.

Audacieuse Melanie

Changement d’univers complet avec l’arrivée de Melanie Martinez. La chanteuse américaine découverte à The Voice il y a plusieurs années a offert une prestation dynamique avec des mises en scène et des décors spectaculaires.

Un segment complet avec un décor plus enfantin que celui de Barbie - genre Comtesse de Ségur frippée - une foule de danseuses, des ballons – qu’elle a crevés avec une hache – et aussi un univers de science-fiction par la suite. Digne de mention pour l’inventivité.

Il ne restait qu’à Noah Kahan de conclure, ce qu’il a fait en beauté, invitant même la Britannique Arlo Parks – qui jouait plus tôt sur la scène de la Vallée - à venir partager Stick Season pour clore la journée.